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Histoire de vie Jean-Pierre Peyruseigt
AVC
Histoire de vie

Texte de Jean-Pierre Peyruseigt

Jean-Pierre Peyruseigt

C'est pour retrouver la santé que j’ai commencé la pratique du Qi Gong. C’est pour la préserver que je continue à le pratiquer et à le transmettre.

"Ce qui se lève au cœur du calme, au cœur du calme se dissout" - WEI Ying-Wou, poète chinois (737-835).

La maladie m'a fait comprendre que recomposer ses forces se fait "par et dans le calme". Je suis allé à la rencontre du ressenti subtil des énergies qui animent mon corps en mettant "le souffle vital (Qi) à l’œuvre (Gong)". 

 

Le 4 octobre 1999, à l’âge de 40 ans, un événement bouleverse ma vie et lui donne une nouvelle direction : un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique dû à un caillot de sang parti du cœur suite à un prolapsus de la petite valve mitrale. Quand l’AVC se déclenche, ma vue se modifie. Un grand abattement s’empare de moi. Dans le coma, je suis hospitalisé. L’AVC a touché une aire cérébrale qui me plonge dans l’aphasie plusieurs jours. Je suis privé de parole en dehors de tout déficit sensoriel. 

Parmi les examens médicaux, l’épreuve la plus difficile est l’échographie transœsophagienne pour explorer le cœur. Cette expérience douloureuse modifie mon approche des autres interventions médicales par des projections mentales disproportionnées : je me fais d’autant plus mal que j’ai peur d’avoir mal. Conscient de ce phénomène, je reconquiers de l’espace sensoriel là où je n’ai pas mal pour ne pas tomber dans le piège de l’anticipation anxieuse qui augmente inconsciemment les effets de la douleur. Je fais appel à mes ressources intérieures et à mon expérience des arts martiaux.  

Ce que j’ai appris par l’expérience, lors de mon hospitalisation, c’est que la grande partie de la souffrance ne vient pas de la douleur elle-même mais de l’anticipation de la douleur. 

 

Lors des explorations et des interventions médicales, je commence à contrôler certaines réactions de mon corps. Après l’accueil de la douleur, j’ouvre mon champ d’attention à d’autres choses. Tout en acceptant la situation douloureuse, je sais qu’il n’y a pas qu’elle. Je ne cherche pas à la chasser. Je lui permets d’être là. De toute façon, je n’ai pas le choix. Mais de mon mieux, j’essaie qu’elle ne soit pas toute seule dans mon esprit. A chaque fois que mon attention se rétracte sur la souffrance, de mon mieux, je me rends présent au corps qui va bien et je me concentre sur ma respiration. ​

De retour dans ma chambre d’hôpital, encore faible, je pratique des mouvements. Par exemple, assis sur le bord de mon lit, je ferme un poing, j’inspire par le nez en tirant mon coude vers l’arrière, je souffle par la bouche tout en projetant ma main ouverte vers l’avant. Je répète ce geste trois fois à droite, trois fois à gauche, puis trois fois avec les deux bras ensemble. J’expérimente la lenteur comme mode gestuel ainsi que son potentiel pour développer une connaissance subtile de moi-même. Je découvre que l’esprit se met plus facilement à l’écoute des sensations corporelles. ​

 

​ Je décide de faire de la lenteur gestuelle associée à la méditation en mouvement l’objet de ma recherche pour fortifier ma santé. C’est le Qi Gong, la maitrise du souffle-énergie, qui correspond le mieux à cet objectif : il coordonne en profondeur le corps, la respiration et la conscience. Il favorise également l’apaisement mental et l’ancrage dans l’instant présent.

 

Je m’engage sur la voie du Qi Gong qui élimine toute dépense superflue et déraisonnable d’énergie vitale, tout gaspillage physique et mental. Sa pratique affine ma conscience "mobilisant peu de fonds mais obtenant un grand accomplissement" ; la conscience dans ce contexte étant une pensée dynamique où le corps et le mental s’unifient, où l’intérieur et l’extérieur communient. 

 

Je commence la pratique du Qi Gong en 1999 à Nice avec le professeur TRAN Hoai Ngoc de l’école Cùu-Long Vo-Dao (l’école des neuf dragons) par l’étude du Ba Duan Jin, les huit pièces de brocart de soie. Cet enchaînement étire en profondeur les méridiens tendino-musculaires et relaxe l'ensemble du corps en favorisant la circulation du Qi et du Sang. Il étire également les tendons pour les rendre souples comme la soie et tonifie le cœur. 

 

Cette pratique m’a permis de développer plus de conscience corporelle et gestuelle. J’ai acquis grâce à elle plus de souplesse, de relâchement, d’équilibre, d’enracinement et d’endurance. J’ai appris à relier les différentes parties du corps, à les coordonner, développant ainsi la sensation d’unité et de globalité corporelle. 

Pour ZHUANGZI (vers - 370 / - 286 de notre ère), philosophe taoïste, ma seule responsabilité est dans le soin que je prends à cultiver, entretenir et déployer mon potentiel vital. 

Ainsi, par la pratique du Qi Gong, je restaure non seulement mes forces "dans et par le calme" mais aussi j’augmente ma vitalité. Sur cette voie, je rencontre le Daoyin Yangsheng Gong pour "(me) maintenir évolutif"; le nourrissement n’est pas progrès vers, mais il est renouvellement ; la transformation qu’il opère ne vise à rien d’autre qu’à réactiver". C’est un processus d’animation qui, par épuration et dégagement progressifs, porte à la pleine vitalité ; autrement dit, plus je m’affine – me "décante", me "délie", me "désobstrue" - plus je m’anime. 

Ainsi "nourrir" en soi la "quintessence" (Yang Jing) consiste à aiguiser ses capacités et se maintenir en forme. Quant à "nourrir" en soi le "spirituel" (Yang Shen), c’est le plus communément se détendre et se reposer l’esprit. Mais bien plus que le corps et l’esprit, c’est le Qi, le souffle-énergie, qu’il m’importe de nourrir. Il ne doit ni se disperser ni non plus se bloquer mais continuellement se relier et circuler.

Dans la tradition taoïste du nourrissement vital se développent des méthodes de Dao Yin, ensemble de techniques physiques et énergétiques associées à la respiration, qui par l’art de "s’étirer le corps comme l’ours, tendre et tourner doucement le cou et ses ailes comme l’oiseau" - ZHUANGZI (Chapitre 15) - permettent de libérer, à travers notre être physique, tous les passages difficiles où la communication est entravée. 

Dao Yin signifie "guidage et étirement". Dao signifie diriger, au sens de conduire l'esprit, la respiration et les mouvements, selon des principes précis : esprit calme, respiration profonde et régulière, mouvements justes et fluides. Yin signifie tirer, guider, dans le sens d'effacer les tensions de l’esprit et du corps. 

Le nourrissement vital en Daoyin Yangsheng Gong consiste à régulariser la position du corps (Tiao Xing), régulariser la respiration (Tiao Xi) et purifier le Cœur (Tiao Xin). Parmi ces trois pratiques, la priorité est donnée à Tiao Xin qui consiste à calmer l’agitation cérébrale du pratiquant.

 

Comment ramener le Cœur au calme, éliminer les soucis et les pensées parasites ? Utiliser une pensée pour éliminer dix mille pensées. En se concentrant sur une pensée, cela permet de ne pas se disperser et d’éliminer les autres pensées. Les caractéristiques de cette pratique sont :

  • La douceur (Rou)

Cette douceur doit être utilisée dans la concentration, dans la respiration et dans le mouvement. La concentration doit être dans une continuité de douceur et de légèreté : "porter attention, sans tension". La respiration est fine, régulière, profonde, longue, harmonieuse et continue dans la douceur comme le nuage qui se déplace et l’eau qui coule paisiblement. Cette douceur est à la base du relâchement Song.

  • Le relâchement (Song)

J’observe les tensions présentes dans le corps. Je vais à leur rencontre dans la douceur et je vide le corps de ses raideurs, de sa dureté, dans chaque muscle, chaque tendon, chaque articulation. 

  • Le mouvement global (Dong)

Le mouvement est basé sur la douceur et le relâchement. Dans la pratique, au moment du changement de posture, le corps entier se met en mouvement y compris Yi l’intention, Qi la respiration, Xing la forme du corps. 

  • Le calme (Jing)

Quand la pensée parasite arrive, je garde l’énergie du Cœur en paix, en harmonie, et la respiration naturelle ; alors, la pensée peut s’éloigner rapidement. Si la pensée revient, sans se presser, sans y prêter attention, je suis la pensée et la laisse partir sans faire d’effort, "je pousse le bateau dans le sens du courant". 

En pratiquant Tiao Xin, les pensées parasites vont diminuer progressivement : "se concentrer sans utiliser la force", "chercher le calme sans avoir la volonté d’y arriver", pour ne pas, si on utilisait la force, se bloquer sur les pensées. Il faut parvenir à se maintenir dans un état continu de légèreté, de tranquillité, de douceur comme si la concentration n’existait pas. 

Pour l’esprit chinois, la santé est avant tout un équilibre dynamique acquis "par et dans le calme", le calme étant le fondement du déroulement harmonieux des activités vitales dans l’alternance du repos (Yin) et du mouvement (Yang).

La pratique du Qi Gong est un refuge, un moment de grand ressourcement où toutes les formes d’énergie éprouvées violentes ou non (émotionnelle, agressive, passionnelle, etc.) sont régulées, transformées et viennent nourrir la force vitale et spirituelle. Elle me donne une sensation de plénitude par la vitalité et le calme qu’elle me procure. 

Il s’agit tout simplement et profondément de poser notre attention sur l’instant présent, de calmer l’esprit et d’apaiser le Cœur. C’est un art de vivre, un métissage fécond entre la culture occidentale et la culture chinoise dont Yang Sheng, le nourrisement vital, serait le pivot. C’est espace de l’entre-deux devrait être l’objet de notre attention car la recherche c’est bien plus que nourrir sa vie et trouver le calme, c’est nourrir ce qui nous relie et l’affirmation d’un être ensemble dans la relation à l’autre qui partage la même expérience.

Bibliographie

JAVARY Cyrille, « Yin-Yang, la dynamique du monde », Albin Michel, 2018. 

JULLIEN François, « Nourrir sa vie à l’écart du bonheur », Seuil, 2005.

KE Wen & ZHANG Ming Liang, « La voie du calme », Le Courrier du Livre, 2012.

LAO-TSEU, TCHOUANG-TSEU, LIE-TSEU, « Philosophes taoïstes », textes traduits, présentés et annotés par LIOU Kia-hway et Benedykt GRYNPAS, bibliothèque de la Pléiade, 1980.

TCHOUANG-TSEU, « Œuvre complète », traduction, préface et notes de LIOU Kia-hway, Connaissance de l’Orient, Gallimard / UNESCO, 1969.

WEI Ying Wou, « La montagne vide, anthologie de la poésie chinoise », traduction de Patrick CARRÉ et Zéno BIANU, éditions Albin Michel, 1987. 

ZHANG Guang De, « Enchainements de base en Daoyin Yangsheng Gong », traduction ZHU Miansheng, éditions You Feng, 2010.

ZHANG Guang De, « Connaissances théoriques de base, Daoyin Yangsheng Gong », association Kunming, Ecole Française de ZHANG Guang De, juin 2015.

QI GONG
Fortifier le corps, apaiser le mental

Stage ouvert à tou.te.s : pratiquer le Qi Gong autrement dans la bienveillance et le partage, prendre en main sa santé et son mieux-être, pendant ou après la maladie.

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